Intention
"Une pièce de stockage, mitoyenne à la maison d’habitation, renfermait une armoire pleine de vêtements gardés là comme des reliques, tenues de travail, tenues d’adolescents, tenues de la grande tante...
Sur la table de la salle à manger, une boîte à boutons, à côté du fil de coton bleu marine et des aiguilles.
Sur une chaise, une femme qui de ses mains reprise."
Au sein de l'atelier je cherche à mettre en jeux ce qui m'interroge, qui m'échappe, qui part du corps, du féminin pour aborder des thèmes plus précis autour du geste de l'artisan, de la valeur travail, de la chasse, du corps armé.
C'est en partant d'un médium particulier ; réserves de matières, de techniques liées au patrimoine textile (châle de laine, draps blancs, tablier de travail..., fils anciens, de coton, de soie, de laine...) que mes sculptures prennent formes.
Je peux par exemple partir d'un châle que je remplis très densément des chutes de papier, de tissus, de fils nécessaires à son élaboration, de tout ce qui entre dans la corbeille de l'atelier et également de tissus, vêtements que je mets en lambeaux.
Puis par des points lancés, je viens fermer puis tendre la surface jusqu'à ce qu'elle ait subie sa pleine transformation.
Le tissu craque, je reprise. La densité, la dureté de l'intérieur rend fragile la peau extérieure. J'aime cette tension qui apparaît, le jeux qui s'établit alors entre la matière que je travaille et mes gestes. Comme un corps fragile, corps sur la brèche, qui résiste, cicatrise, jusqu’à ce qu’il trouve sa place et laisse sa place à celui qui va suivre.
Trouver, s'émouvoir, attendre, couper, déchirer, piquer, remplir, s'arrêter, comprimer, recouvrir, tendre, s'interroger, repriser, broder, marquer, recommencer...
Le fil marque le passage, la transformation qui s’est opérée, qui s'était opérée, qui s'opérera peut-être à nouveau.
Je peux également broder des fragments de taie d'oreiller, sur lesquelles je viens reprendre le motif existant pour lui donner du relief, le mettre en avant, en mouvement.
Le temps d'exécution est long, très long, les gestes sont répétitifs. C'est là où les choses se passent. Par mes actions je ne tends pas à un résultat précis utilitaire ou décoratif mais de produire ces gestes pour tenter de mettre des choses sur la table afin de les proposer ensuite aux regards, aux questionnements, aux échanges.